Quand je pense à Rinat, cela m’évoque immédiatement des images de Mr Bean, de chocolat Cadburys et de séances de nettoyage du sol avec ABBA en musique de fond.
Je me souviens des boutiques à un dollar qui vendaient toutes sortes de babioles et de langue française parlée avec des verbes au présent uniquement.
Je me rappelle les surnoms et les épithètes dont elle avait l’habitude de me qualifier : Kalimero, Orinoco, mon bien-aimé.
Que me vient-il d’autre à l’esprit quand je pense à Rinat? Je me rappelle de retrouvailles en Europe, tout particulièrement notre voyage en commun à Berlin, il y a deux ans.
Je me rappelle également une séance de shopping dans laquelle elle nous entraîna, mon père et moi, au Primark, à Londres son lieu de shoppping favori.
Je me rappelle son dévouement envers ma mère pendant de nombreuses années et plus particulièrement pendant les dernières années de ma mère. Et par la suite, son souci des autres, un souci qui ne connaissait point de limites. Elle offrait à ses amis une aide désintéressée, bienveillante et généreuse.
Je revois en face de moi un flot inépuisable d’emails contenant des photos : les garçons à la maison, les garçons à l’école, dans un champ de tulipes, à l’armée … toute la fièrté d’une mère.
Je me souviens d’une photo qu’elle m’avait récemment envoyée, où elle se trouvait à côté d’un Hollandais immense dont la taille gigantesque la rendait encore plus petite ; elle y avait ajouté un commentaire caustique car Rinat savait se moquer d’elle-même.
Mais je me rappelle aussi, quand je pense à Rinat, les visites à l’hôpital Hadassa, dans le service des désordres alimentaires, et je me rappelle sa maladie, l’anorexie qui s’infiltrait dans son esprit et qui rongeait et détruisait tout ce qu’il pouvait y avoir de positif. Je me rappelle ses excuses, ses subterfuges et ses états d’esprit noyés dans l’illogisme, tout ce qui faisait part de sa maladie.
Plus récemment, je me rappelle notre impuissance face à Rinat, que nous chérissions tendrement et profondément ; sous nos yeux, Rinat que nous avions connue si douce et si jeune devenait l’ombre d’elle-même, un « vase brisé ».
Nous éprouvions, chacun à notre manière, une terrible frustration et un terrifiant pressentiment en voyant ainsi sa santé se détériorer. Mais nous avions tous l’espoir que Rinat arriverait à se sauver.
Je me souviens du poème de Nathan Alterman, dont les paroles furent comme une prière pour moi au cours de ces dernières années.
Sauve ton âme, que ta force sauve, sauve ton âme
Sauve ta sagesse, sauve ta vie
Sauve ton âme fatigué, sauve ton âme
Sauve ta sagesse, sauve ta vie
Sauve ton cœur généreux, porte-le délicatement dans tes mains.
J’éprouve une détresse indicible que nous n'ayons pas pu sauver Rinat, en dépit de notre immense amour pour elle - un amour qui n’aura jamais de fin.
Rini-Pini, quand je me souviens de toi, je vois notre famille et je te vois, toi, qui essayais sans relâche d’arrondir les angles, de faire se concilier les inconciliables, d’encourager, de soutenir Je vois notre enfance, d'abord à Jérusalem, puis à Londres et enfin à Raanana.
C’est dur pour moi, dur d’être ici, une fois de plus, à Shefayim, à l'endroit où Gil est enterré; à l'endroit où maman est enterrée. C’est dur pour moi d'imaginer que, plus jamais, tu n’appelleras au milieu de la nuit à Sydney pour me demander la traduction d'une lettre en français «super- urgente» ou pour finaliser un texte que tu devais écrire - très urgent également. Je ne parviens pas à réaliser que plus jamais nous ne rirons; que plus jamais je n’entendrai ton ironie teintée d’humour.
Cela m’anéantit.
A tes enfants, mes neveux, je tiens à dire combien je vous aime ; je suis et et serai toujours votre oncle et une part de votre vie. A Uri je tiens à dire combien je te suis reconnaissant d’avoir aimé ma sœur, de l’avoir aimée aussi - et surtout - au cours de ces dernières années.
Rini-Pini, repose en paix à côté de Gil et de maman. Avec amour, Ori.
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